Le mot Sakina

QUE SIGNIFIE « SAKINA » ?

« Sakîna » est un terme arabe d’une grande richesse sémantique, que l’on peut traduire par : paix intérieure, quiétude, sérénité, tranquillité, repos. Il désigne ainsi un état d’être intérieur caractérisé par une grande paix, une quiétude absolue, un sentiment de sécurité intérieure..

  • La sakîna, discours universel

La sakîna est un idéal universel, objet de la quête intérieure des Hommes dans des cultures très diverses et depuis les origines de l’Histoire. Dans la philosophie grecque présocratique, la sakîna prend la forme de l’ataraxie, mot provenant du grec ataraksia, absence de troubles. L’ataraxie définit une quiétude absolue de l’âme, conçue dans l’épicurisme et le stoïcisme comme le principe du bonheur. La sakîna est aussi un idéal œcuménique, partagé par les trois monothéismes, le terme arabe ayant la même parenté sémantique avec l’hébreu shkhînâ et l’araméen (langue de Jésus) shkhîntâ.

  • La sakîna et sa sémantique

Comme dans ces langues, le terme sakîna est issu de la racine s. k. n.,  qui comporte deux notions principales :

  • Celle de quiétude, d’immobilité, de repos :

« C’est Lui qui fend le ciel à l’aube, qui fait de la nuit une quiétude [sakan] » (Coran, sourate 6, verset 96).

On retrouve cette notion dans le terme sûkun, silence, qui désigne aussi dans la langue arabe le signe en forme de cercle surmontant certaines lettres pour indiquer la suspension de la prononciation, sa clôture. Symbole universel, le cercle y figure donc le repos de la langue, le silence comme un au-delà du langage, mais un au-delà qui surgit toutefois après la parole, c’est-à-dire pas sans elle. Pas de repos de l’âme sans mise en mots pour dépasser les maux, semble d’emblée suggérer la langue arabe !

  • Celle d’habitation, d’installation, de résidence :

Ainsi, au verbe sakana, il a habité, est lié le mot maskan qui désigne précisément ce qu’en français on  nomme « la demeure », au double sens de l’habitation, du domicile mais aussi de « ce qui demeure » en cette demeure, c’est-à-dire ce qui reste stable, fixe, immobile : à savoir le repos, le calme. Maskan, c’est donc la maison comme « havre de paix », « lieu de repos », où l’on peut se sentir à l’abri loin du mouvement et des secousses du monde. Conclusion : De cette investigation étymologique, on peut déduire métaphoriquement que la sakîna est l’état de l’âme qui, après l’agitation diurne, retrouve son abri intérieur pour y goûter la « sakîna » du « sûkun al layl », soit littéralement le « repos » du  « silence de la nuit ».

  • La Loi, abri de la sakîna sociale

Si la « quiétude » de l’âme nécessite une « habitation » pour l’abriter, c’est que cet état de l‘être n’est pas donné d’emblée : il s’acquiert, voire se conquiert, précisément par la construction de ce gîte de repos. Ce havre de paix,  les trois monothéismes le symbolisent par « l’Arche d’alliance », coffre de bois d’acacia recouvert d’or et qui contient les « Tables de la Loi ». Le Coran évoque l’épisode où les Israélites retrouvèrent cette arche qui leur avait été enlevée :

« l’arche d’alliance (tâbût) va vous venir. Il y a dedans une sakîna  de votre Seigneur et une relique laissée par la famille de Moïse et celle d’Aaron » (Coran, 2, 248).

La Bible parle, quant à elle, du « kâbôd », la « gloire » de Yahvé, c’est-à-dire la «  présence de Dieu » déposée dans l’Arche d’alliance (Exode, 40, 34-35), notion  qui sera reprise ultérieurement dans la Tradition juive dans le terme hébreu shkhînâ, qui est absent de la Bible. La « gloire de Dieu » est également mentionnée avec un sens analogue dans l’Évangile (Matthieu, 17,5 ; Luc, 2,9 ; Jean, 1, 14). Cette histoire de l’ « Arche d’alliance », que Juifs, Chrétiens et Musulmans partagent en commun, vient ainsi enseigner aux hommes qu’ils peuvent vivre ensemble en sakîna, en toute quiétude, puisqu’ils sont « alliés » les uns aux autres par la même référence à une Loi, trésor du lien social qu’ils conservent précieusement dans le coffre doré. C’est donc sans surprise qu’on retrouve la sakîna dans un autre épisode coranique de l’alliance, celui dit du « Pacte d’alliance », que les fidèles du Prophète, en route vers Mecque,  conclurent avec lui lors sous un arbre lors de la célèbre rencontre de Hudaybiyya en l’an 6/628 :

«  Dieu fut satisfait des croyants, alors qu’ils te [Muhammad] prêtaient serment sous l’arbre. Il connaissait le contenu de leurs cœurs et Il fit descendre sur eux la sakîna » (48,18).

  • Le cœur, abri de la sakîna intérieure

Dans ce dernier verset, apparaît un nouveau « lieu de repos », plus intérieur, abritant la sakîna : le « cœur », ce qui se retrouve dans plusieurs autres versets, comme par exemple en 48,4 : « c’est Lui qui fit descendre la sakîna dans les cœurs des croyants, afin que leur foi s’intensifie ». Le « cœur » est ainsi  à l’homme ce que « l’arche d’alliance » – c’est-à-dire la Loi – est à la société : cœur et Loi constituent tous deux une maskana, une « demeure », de la sakîna,  soit respectivement de la paix sociale et de la paix intérieure.

  • La sakîna, ou le réconfort après l’effort

Mais la quiétude du cœur ne s’acquiert pas sans peine. On notera à ce titre que c’est souvent, paradoxalement, dans un contexte de guerre ou de conflit que la sakîna  du cœur est mentionnée dans le Coran, conflit contre les Mecquois lors de la rencontre d’Hudaybiyya (48,18) ou lors de la bataille de Hunayn (9,26). La sakîna y apparaît alors  comme un secours divin que Dieu fait « descendre » sur les « cœurs » du Prophète et de ses compagnons pour les mener à la « victoire ». Or cette aide y apparaît, à plusieurs reprises,  sous une forme très particulière, par l’envoi non pas de guerriers humains mais d’ « armées invisibles », comme lorsque le Prophète, fuyant la Mecque, se réfugie avec Abû Bakr dans une grotte :

« Dieu fit descendre sur lui Sa sakîna et lui donna comme renforts des troupes que vous n’avez point vues » (9,40). 

Quel sens donner à ces « armées invisibles » qui puisse aujourd’hui encore être d’actualité ? Loin d’en appeler à la violence, elles enseignent au contraire que le vrai combat n’est jamais contre un ennemi extérieur mais contre un ennemi interne. C’est qu’une armée humaine, fût-elle aussi puissante que celle du Prophète en l’an 8/630, ne fournit jamais la sakîna du cœur : « ainsi à la journée de Hunayn, quand vous vous êtes complus en grand nombre, ce qui ensuite ne vous a pas du tout mis à l’abri, et la terre, toute vaste qu’elle soit, vous a été étroite … Puis, Dieu fit descendre Sa sakîna sur Son Messager et sur les croyants, Il fit descendre des armées que vous n’avez pas vues » (9, 25-26). La Parole énonce ici clairement que la « vaste terre » et ses conflits belliqueux sont une demeure trop étroite, et donc inappropriée, pour y espérer y trouver l’ « abri » de la « quiétude ». C’est pourquoi le caractère « invisible » de ces armées, descendant sur les « coeurs » des fidèles, a conduit les mystiques de l’islam à donner une signification spirituelle à la sakîna, en l’interprétant comme la « Grande Paix », profonde quiétude divine venant habiter le cœur du croyant : «  C’est la sécurité qu’éprouve le cœur quand il reçoit en lui la parole de Dieu » énonce le soufi Tirmidhî. On se rappellera ainsi que, conformément à un  célèbre hadith prophétique, le vrai jihâd est le « Grand Jihâd », c’est-à-dire l’ « effort sur soi ». On retiendra donc que la quiétude du cœur n’est pas donnée d’emblée, elle s’acquiert, et même se conquiert. Elle suppose une lutte, non contre autrui, ni même contre soi, mais plutôt en soi : le repos du soir suppose le travail de la journée, la paix de l’âme requiert le dépassement des conflits intérieurs. Autrement dit,le réconfort vient après l’effort.

  • La sakîna, éthique scientifique du centre Sakina

Les deux notions de « quiétude/repos » et d’ « habitation », l’idée du « Grand Jihâd » comme travail sur ses conflits intérieurs, nous indiquent ainsi une signification de la sakîna que la psychologie moderne ne renierait pas : le travail de connaissance et d’effort sur soi, qui fournissent une « aide intérieure », grâce à laquelle, après la tempête de l’agitation, l’âme pourra enfin accéder au repos, … à sa sakîna ! Le Centre Sakina n’a pas donc d’autre vocation que d’aider chacun à effectuer ce travail sur lui-même en vue de cette sakîna intérieure. La sakîna définit ainsi une éthique spécifique pour le Centre, dans le sillage de l’idéal universel de la science psychologique. Il ne s’agit pas pour nous d’offrir l’illusoire promesse d’un bonheur sans fin par quelque action magique ou suggestive. Juste l’encouragement à une mise au travail, en vue d’aider chacun à trouver son « habitat intérieur » pour y goûter, plus modestement mais plus surement, « le repos » au terme de l’épreuve

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